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Les révoltes des Batetela contre le régime colonial belge


 « Onotetela kema fumbe  » ( un Mutetela n’est jamais esclave).


Qui sont les Batetela ?

(Odimba wa lokombe : un batteur de tambour à fente).


Il y a deux versions principales concernant la provenance des Batetela :

D’abord, selon la tradition orale, les Batetela seraient originaires du Soudan, et ce n’est qu’à la désertification du Sahara que ce peuple Bantu serait entré dans le bassin du Congo.

Selon l’autre version de L’Abbé André Ngowu Ndjovu -licencié en philosophie- les mouvements migrants des Batetela débuteraient entre 2500 et 500 av J.C.  Ces derniers auraient quitté le Sud du Nigéria et le Nord du Cameroun, en longeant la lisière de la forêt équatoriale en direction du Haut-Nil (Soudan du Sud). Cependant les Nilotiques (populations autochtones de la vallée du Nil ) les repoussèrent et ce n’est qu’au 17ème siècle qu’ils pénétrèrent dans le bassin du Congo , qui à cette époque était déjà occupé par les pygmées (personne appartenant à une population humaine dont la moyenne de taille masculine adulte est inférieure à 150 cm).



Toujours est-il que les Batetela font partie du groupe Anamongo (descendants du peuple Mongo) mais un conflit sépara les Batetela et les Mongo.

L’origine de cette rupture remonte à des temps anciens : deux frères se disputaient la tête d’une gazelle. Selon le droit d’aînesse la tête revenait à l’aîné mais le petit frère refusa de céder cette partie à son grand frère. En effet, déguster une tête de gazelle permettait d’acquérir une très grande intelligence. À l’issue de ce conflit, les deux frères prirent deux directions opposées. Cette séparation les entraina à travers la République démocratique du Congo.

Toutefois, d’autres légendes racontent qu’une femme qui serait plutôt à l’origine de ce conflit entre les deux frères.


D’où vient le nom Tetela ?

Selon Feu Albert Diheka , ancien chef traditionnel, l’origine de ce nom est apparue lors d’un contact entre les esclavagistes arabo-swahili et des autochtones : les descendants d’Onkutshu Membele décidèrent d’affronter les arabo-swahili bien que ces derniers soient en supériorité technologie. C’est donc de cet affrontement que vient le nom « Tetela ».

« Tetela » signifie « des gens qui ne savent pas parler, qui ne comprennent pas leur langue » donc des "des barbares".

*Ba = pluriel (batu)

*Mu = singulier (mutu)



La généalogie des Batetela :

Membele est le descendant des Mongo, le descendant de Membele est Onkutshu. L’ancêtre commun des Batetela est Onkustshu Membele. Il eut trois fils répondant du nom de : Ngando, Ndjovu et Watambolo, qui eurent également des enfants.

Selon Albert Diheka, « Onkutshu Membele » serait donc le véritable nom de ce peuple et non Tetela.

Dans quelle région se trouve les Batetela ?

Les Batetela (Tetela) sont une population bantu d'Afrique centrale. Ils sont implantés au sud-est du bassin du fleuve Congo, entre le Lomami et le fleuve Congo. Les Batetela occupent principalement la province de Sankuru, l'ouest du Maniema, la Lomani ainsi que le Kasaï Oriental etc ...



La conférence de Berlin



La conférence de Berlin s'est tenue de novembre 1884 à février 1885 et fut organisée par le chancelier Bismarck afin d'établir les règles sur la colonisation de l'Afrique. Il eut quatorze pays participants dont : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, La Belgique, le Danemark, ,L’empire Ottoman, l’Espagne, les États-Unis,La France, la Grande-Bretagne, l’Italie,Le Pays-Bas, la Russie et la Suède.


La Belgique obtînt en Afrique Centrale, la République démocratique du Congo.

Or à cette période, la région était sous la domination de Tippo Tip, un esclavagiste arabo-musulman.



Tippo Tip est un métis afro-arabe né à Zanzibar, son vrai nom est Hamed Ben Mohamed el Murjebi.

Il doit son surnom du bruit que son fusil faisait lorsqu’il passait dans des villages pour massacrer des villageois. Son père avait épousé une métisse afro-arabe de la famille El Warbi, originaire de Mascate (Oman). Il doit son teint très foncé de ses ascendants -d’ailleurs sa mère était déçue qu’il hérite d’une carnation très foncée-.

En Afrique Centrale Tippo Tip disposait d’un empire commercial (d’ivoire et d’humains) et politique. Et il était également gouverneur des Stanley Falls mais l’État Belge mit fin à l’expansion de son empire et l’évinça du pouvoir.

La RDC , qui portait jusque-là le nom de d’Etat indépendant du Congo, devint la propriété privée du roi des Belges Léopold II. Sous son règne, environ dix millions, de Congolais furent maltraités (mains coupées) et assassinés pour permettre d’accroître la croissance économique du royaume Belge grâce aux récoltes de caoutchouc.

Toutefois sous l’Etat Indépendant du Congo il eut trois mutineries perpétrées par la Force Publique, qui étaient des soldats majoritairement originaires de l’ethnie Tetela :


- La révolte de Luluarbourg (actuel Kananga), le 4 juillet 1895


- La révolte des Batetela de l’expédition de Haut-Ituri , le 14 Février 1897


- La révolte du fort de Shinkakasa ,17 avril 1900





(La Force Publique)

Les révoltes

La révolte de Luluarbourg (actuel Kananga) a eu lieu du 4 juillet au 6 novembre 1895.

Les soldats Batetela de la Force publique de l’Etat Indépendant du Congo s’insurgèrent contre leurs supérieurs hiérarchiques.

Les Batetela étaient le groupe ethnique majoritaire au sein de la Force Publique, la plupart s’étaient engagés volontairement pour rendre justice à Ngongo Lutete , les autres étaient d’anciens prisonniers des arabes, achetés par les colons belges.




(Ngongo Lutete ou Leteta)

C’est à la suite d’une révolte perpétrée en 1884 en pays Utetela par des Bakusu et des Batetela que Ngongo Lutete fut nommé chef des Batetela, alors qu’il était tout juste âgé d’une vingtaine d’années.  Ce sacre a été possible avec l’appui d’une force armée et Tippo Tip qui avait besoin d’une personne de confiance afin de continuer d’exercer son pouvoir sur la région alors qu’il venait de perdre son oncle au cours de cette révolte.

Or, Ngongo Lutete était un Kusu et un esclave affranchi des arabo-swahilis. Ces actions furent une humiliation pour les notables Batetela, qui contestèrent la prise de pouvoir de Ngongo Lutete- ce à quoi Tippo Tip rétorqua que toute protestation aurait pour conséquence des coups de fouet.  

Quelque temps plus tard, Ngongo Lutete réussit à asseoir son pouvoir et devint un chef très respecté au sein de sa communauté.

Les différentes raisons de cette mutinerie :  

D’abord, le sentiment de vengeance animé par les anciens soldats du chef Ngongo Lutete.


 Ngongo Lutete fut exécuté par les colons belges en 1893, car accusé de comploter contre l’Etat Indépendant du Congo. Les mutins ont voulu venger leur chef et certains d’entre eux ont intégré intentionnellement La Force Publique.

De plus les soldats Batetela étaient malmenés par les leurs supérieurs hiérarchiques belges. En effet, le Capitaine belge Pelzer leur infligeait souvent la chicotte, et les Batetela n’avaient plus le droit de pratiquer une de leur coutume ancestrale : la polygamie. Lors de la révolte les Batetela assassinèrent le capitaine Pelzer.

Parfois, il y avait des conflits avec d’autres membres de la force publique dont certains du peuple Luba. Ces derniers étaient privilégiés par les officiers belges et ils utilisaient leur privilège pour ligoter et voler les rations de nourriture des Batetela.

Toute cette atmosphère d’injustice et de ressentiment ne pouvait que déclencher une révolte.

Les belges mirent tout œuvre afin de mâter la révolte. Ils engagèrent des mercenaires de diverses régions africaines dont les Haoussas (originaires d’Afrique de l’Ouest) , les Dahoméens (provenant du Bénin) , d’anciens esclaves des arabes, ainsi que d’autres soldats issus la Force Publique , venant d’Afrique Centrale originaires du peuple Luba.  

Un affrontement eut lieu à Ngandu mais il se solda par un échec : les Batetela les mirent en déroute étant mieux armés . Peu de temps avant l’arrivée des officiers belges et leurs renforts , les Batetela pillèrent plusieurs entrepôts d’artillerie. Etant donné qu’ils furent recrutés au sein de la Force Publique, ils reçurent un entraînement militaire et devaient probablement connaître les stratégies militaires de la Force Publique.

D’autres peuples s’allièrent aux Batetela : les Bashilengue, les Kalamba, les Bakwa de Kasasu et quelques Kiokos.

6 Novembre 1895  : les troupes commandées par Lothaire mirent fin à l’insurrection.


Cette révolte en inspira deux autres :

La révolte du Haut-Ituri de 1897.


Un an avant cette révolte Leopold II, l’ancien Roi des belges, réunit dans l’Est de l’Etat Indépendant du Congo la plus grande expédition qui se produit en Afrique au cours du XIXème S, le Baron Dhanis à la tête cette expédition .

L’objectif était d’étendre le Congo jusqu’au bassin du Nil et de conquérir les régions situées au Nord de l’enclave de Lado, au-delà de Fachoda ainsi qu’à proximité de Khartoum.

14 février 1897 : l’avant-garde de l’expédition de Dhanis, le vice-gouverneur générale du Congo, se révolte et massacre de nombreux officiers à Ekwanga.

La première révolte avait fortement inspiré les Batetela membres de la force publique et ils furent également victimes de mauvais traitements venant des officiers belges.

17 février 1897 : Chaltin (un colonel belge) écrase des Mahdistes « en religion musulmane, relatif au mahdi, envoyé de Dieu qui doit venir poursuivre la mission de Mahomet » à Redjaf (Soudan du Sud).

1898 : Reprise de Khartoum (capitale du Soudan) par les troupes Britanniques.

Les Belges perdirent les territoires Soudanais, car ils durent interrompre l’expansion du territoire congolais, parce que leur principale priorité fut de mettre un terme à la rébellion de la Force Publique.

Des Baluba, des Bakusu,les Malela et des Tanganyika s’allièrent pour prêter main forte aux mutins Batetela.

Fin 1900 : les derniers Batetela insurgés furent vaincus dans la région du Tanganyika.

Cette insurrection mit un terme à la conquête belge du Soudan, et sans cette révolte de la Force Publique l’actuelle superficie de la RDC aurait inclu une grande partie des territoires soudanais.

Et enfin la dernière révolte

La révolte du Fort de Shinkakasa



En 1900, l’Etat indépendant du Congo décide d’ériger un fort au port de Boma, afin de contrôler la circulation maritime sur le fleuve Congo.

Suite aux précédentes révoltes de Dhanis et de Luluarbourg, les Belges n’avaient plus confiance au groupe ethnique Batetela .

L’Etat Belge confine les soldats Batetela dans les régions de Leopoldville, de Tumba et au fort de Shinkakasa … sans se douter qu’il y aurait encore une nouvelle révolte.

En effet le 17 Avril 1900 , les employés du fort créèrent une émeute, attaquèrent les sentinelles et fusillèrent les européens. Ils réussirent à s’emparer du fort et des magasins de fusils et de munitions. Les mutins étaient en supériorité numérique (au total 102) et technologique.

Des soldats Batetela tentèrent de capturer les occidentaux se trouvant en bas du fort, mais leur action fut un échec car le lieutenant Bernard ouvrit le feu et en tua quelques-uns : il les contraint de regagner le fort.

Les émeutes engendrèrent plusieurs dégâts dont : les bateaux du port, la maison de Shinka où se trouvaient les réfugiés occidentaux ainsi qu’un comptoir d’une compagnie de commerce.

De plus ces derniers avaient l’avantage de position, puisque la construction du fort quasi achevée rendait impossible les attaques de force.

Cependant si les soldats révoltés savaient se servir des canons, les dommages collatéraux auraient été effroyables .

Dans la nuit du 18-19 Avril 1900, les mutins Batetela prirent la fuite car totalement cernés par les troupes adverses.

19 Avril 1900 : Reprise du fort par le régime Belge. Ils firent quelques prisonniers.

Le 24 Avril 1900 : des autochtones signalent à l’administration Belge l’emplacement d’une troupe de quarante soldats armés réfugiés dans la banlieue de Boma.

Le commandant Syllie dirige alors un escadron composé de Sénégalais afin de poursuivre la troupe de soldats armés. Leur tête était mise à prix d’un montant de 25 francs et 100 francs par tête de chefs : le 30 avril 1900 , dix-huit mutins furent condamnés à mort sous le commandement du Capitaine d’état major Cabra.


Conclusion :

Toutes ces révoltes ont probablement inspiré Patrice Emery Lumumba, le héros de l’indépendance du Congo qui était également originaire de l’ethnie Tetela.




Sources :

- La révolte des Batetela en 1895 d’Auguste Verbeken

- La révolte des Batetela de l’expédition du Haut-Ituri (1897) de Pierre Salmon

-Tippo Tip un potentat arabe en Afrique Centrale au XIXème siècle de François Renault


- Autorité et Pouvoir du Chef dans la Société Traditionnelle Kusu-Tetela de A.Nguwo Ndjovu


-Histoire militaire du Congo d’Adolphe Lejeune-Choquet.

-RFI : 15 novembre 1884 Bismarck ouvre le conférence de Berlin sur l’Afrique https://youtu.be/BPyI1-QQHVU

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